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Phnom Penh


Nous arrivons en début de soirée à Phnom Penh. Un chauffeur de tuktuk, Mr Thuy, nous propose de nous emmener à notre hôtel, ce qu'on accepte. A première vue, il a l'air très sympa et tout de suite il essaie de nous vendre un tour pour demain. On est pas encore très décidés, mais on sait déjà ce que l'on voudrait voir et comme c'est en dehors, on accepte pour 20$ la journée. Mr Thuy est tout heureux, il sourit, nous serre la main et nous raconte plein de blagues pendant le trajet. Arrivés à l'hôtel, il essaie de nous mettre en garde contre l'établissement, malheureusement on a pas trop compris son message... C'est une fois rentrés dans la chambre, après avoir déjà payé qu'on comprend mieux: c'est vraiment très glauque, très sale aussi. A première vue, ce n'est pas si terrible, jusqu'au moment où un cafard sort de l'oreiller, puis de sous le matelas. On remballe tout et on prend nos jambes à notre cou pour trouver un autre endroit où dormir. Il est déjà 22h et les rues sont sombres, sales, désertes de piétons... On trouve enfin une auberge sympa pour la nuit, le White Rabbit, et en deux temps trois mouvements, on s'endort avec la fraîcheur de l'air conditionné.

Quand le Cambodge a entamé sa descente vertigineuse vers l'enfer.

Aujourd'hui, nous avons consacré notre journée à deux endroits historiques à Phnom Penh, la capitale. Mr Thuy nous accompagne tout du long. C'est avec nos propres mots qu'on vous raconte ici l'histoire de ce pays lors de l'arrivée des Kmhers rouge et du régime de Pol Pot, suite à ces visites poignantes.

Alors qu'en terre voisine, au Vietnam, la guerre fait rage entre les vietnamiens et les américains, les habitants du Cambodge subissent les éclaboussures de cette lutte acharnée. Tous les jours, ce sont des missiles "perdus" ou de test qui sont jetés sur le pays. Ce sont des cambodgiens affaiblis par les conséquences de cette guerre qui viennent alors se réfugier dans les villes. Ils sont marqués, à fleur de peau, affamés et avec peu d'espoir.

Jusqu'au jour du fameux 17 avril 1975, jour qui marqua à tout jamais le Cambodge d'un gros fer rouge. Rouge, comme la couleur du communisme. Rouge, comme l'armée des khmers rouge. Sûrs d'eux plus que jamais, le général Pol Pot et sa clique débarque à Phnom Penh. Ils sont accueillis comme des héros. Tout le monde descend dans la rue pour les acclamer, pensant que l'heure de la paix et du changement a enfin sonné! Malheureusement, ils ne sont pas au bout de leurs surprises. En 48 heures, le général ordonne à ses soldats de vider la capitale ainsi que toutes les autres villes du pays. Enfants, femmes et hommes sont sauvagement arrachés de leur domicile. On leur raconte qu'ils ne sont pas en sécurité en ville à cause de la guerre, qu'ils vont être déplacés en campagne mais que cela n'est que provisoire. Certains, consciencieux, prennent le temps de faire le ménage avant de quitter leur maison.

Pol Pot disait : Le 17 avril 1975 sera dorénavant l'année zéro. Ce peuple devant mes yeux est le peuple ancien. Les pratiques du peuple ancien doivent être supprimées, comme eux.

Pol Pot fit : fermer les écoles, les hôpitaux, les lieux de prières, les universités

Pol Pot prônait : le capitalisme! Il fallait éliminer tous les citadins ou les faire travailler comme paysans.

Pol Pot voulait: arriver à l'Etat d'auto-suffisance complète.

Les villes sont alors désertées, les familles séparées et envoyées aux quatre coins du pays pour travailler jour et nuit dans des camps de travail qu'ils appellent fermes collectives. Cependant, les citadins n'ont aucune idée sur la manière de cultiver le riz ou d'autres procédés, ils ne sont pas paysans! Alors que Pol Pot demande de tripler le volume de riz, de plus en plus de personnes décèdent de maladie, de mauvaises conditions de travail ou d'épuisement. Ils travaillent plus de 12 heures par jour et n'ont le droit qu'à 2 petits bols de soupe de riz, dans laquelle on pouvait compter les grains. S'ils ont le malheur de voler une petite mangue ou une banane, ils sont battus à mort puis jetés dans une fosse. Car ces richesses appartiennent à l'Etat, on n'y touche pas.

Avant d'attaquer Phnom Penh, Pol Pot va chercher des paysans ignorants afin de leur monter la tête pour les recruter dans ses troupes. Eux aussi sont affaiblis par les circonstances de la guerre, on leur promet un avenir glorieux, un travail et de la nourriture. En échange, il faut travailler pour la "Kampuchea Democratic" de Pol Pot, qui veut exterminer la plante parasite, comme il le dit, soit le peuple ancien du 17 avril.

Alors que certains sont emmenés dans les champs pour travailler, d'autres sont conduits vers l'une des 200 prisons construites à travers le pays. A Phnom Penh, une ancienne école de plusieurs bâtiments se transforme en prison S-21 et accueillera près de 20'000 détenus pendant le régime de Pol Pot. Les médecins, intellectuelles, professeurs, juristes, ou simplement ceux qui portent des lunettes, ont les moins soignées ou parlent une langue étrangère sont déportés vers cette prison. Les cellules accueillent des dizaines de prisonniers, parfois dans un espace ridicule, les pieds enchaînés et couchés sur le sol. S'ils bougent pendant la nuit, au moindre bruit de chaîne, les gardiens les battent.

" Là où les gens rentrent mais ne sortent jamais "

Commence alors un incroyable labyrinthe, dans lequel personne ne trouvera la sortie. Les prisonniers arrivent, se font photographier et passent un interrogatoire pendant lequel un gardien écrit sa biographie sur un bout de papier. Ils sont torturés trois fois par jour, des façons les plus horribles imaginables, que je ne décrirais pas. Ils veulent les faire avouer leur crime contre l'Etat. Lequel ? Avoir volé du riz. Avoir simplement utilisé des ressources naturelles et libres, que Pol Pot lui considère comme appartenant à l'Etat et donc étant punissable. Dans les salles des aveux, ils sont battus et torturés jusqu'à ce que leurs aveux soient acceptés par le gardien. Jusqu'à ce que, oui, le gardien accepte...

" Mieux vaut tuer un innocent qu'épargner un ennemi "

Les prisonniers sont alors ligotés et enchaînés, ils leur bandent les yeux et les entassent dans de gros camions. Les soldats sont parmi eux, afin de veiller que personne ne s'échappe. Ils ignorent où ils vont, il leur a été dit qu'ils étaient juste déplacés vers une autre prison. Secrètement, derrière le lambeau d'habit qui leur sert à se bander les yeux, ils s'imaginent rentrer chez eux, revoir leur famille, retrouver leur maison, que tout ça prenne fin. Ils ne se doutent pas qu'ici, ils entreprennent leur dernier voyage...

A quelques kilomètres de la ville, au milieu des champs, loin et isolé, se trouve un ancien cimetière chinois, aujourd'hui connu sous le nom du Memorial Killing Fields de Choeung Ek. Les camions s'arrêtent, les prisonniers sont alors jetés dans une vulgaire cabane de bois. Le lieu est entouré de murs de 2.5 mètres de hauteur, à l'abri des regards, tout cela se fait de nuit. Les projecteurs sont alors allumés à leur arrivée et de la musique communiste est enclenchée ainsi qu'un générateur Diesel pour produire du bruit, afin que personne n'entende les cris des victimes. Un bureau est disposé au bord de la fosse, où on note leur nom une dernière fois, afin d'être sûr que personne ne manque à l'appel. Sans relâche, ils sont dès lors battus de diverses manières avant d'être jetés parfois encore vivant dans de vulgaires trous. Les femmes sont parfois violées, les bébés sont fracassés contre un arbre, le "Killing tree".

"Pour se débarrasser de la mauvaise herbe, il faut aussi enlever les racines"

Pol Pot achève les familles entières, craignant les représailles.

A l'apogée du régime de Pol Pot, 300 personnes arrivent chaque nuit aux Killing Fields de Choeung Ek. Certains sont égorgés, afin d'éviter les cris et ne pas éveiller les soupçons des paysans qui travaillent autour. Des pesticides sont jetés sur les cadavres, pour les achever et également masquer l'odeur qui peut se propager.

Après 3 ans et 8 mois, 8 millions de personnes tuées, les khmers sont repoussés vers l'Ouest par les vietnamiens. Un nouveau gouvernement se met alors en place. Au cours des années qui suivirent, quatre survivants du régime de Pol Pot sont retrouvés et jugés coupables de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Lui même est retrouvé en 1997, assigné à résidence puis décédé un an plus tard à l'âge de 73 ans.

40 ans après, cette histoire sanglante se reflète dans tous les yeux des cambodgiens d'aujourd'hui. Ils sont partis de rien pour reconstruire un avenir qui était incertain. Certains ont survécus, ils racontent leur histoire à travers le petit parcours de Choeung Ek.

Une visite enrichissante, poignante et triste, qui nous aura bien coûté quelques larmes et apporté une grande connaissance.

Infos utiles:

Logement: The White Rabbit, auberge de jeunesse : 3$ dortoir ventilateur, 5$ dortoir clim / Propre et situé non loin de la prison S21, des bars et restaurants

À éviter absolument: Hay Zana Guesthouse !!!

Visites:

Choeung Ek : 6$ la visite avec audio-guide

La prison S21 : 6$ avec audio-guide, 3$ sans.

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